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Quelles spiritualités pour demain ?

Publié le

 

 

 

La spiritualité — religieuse ou, souvent, dans nos pays, non religieuse (agnostique ou athée) — est la caractéristique de l’humaine condition, ce qui nous distingue de l’animal et de la machine. Elle est cette dimension intérieure de la personne où celle-ci décide du sens qu’elle donne à sa vie ainsi que des engagements qu’elle prend. Nous ne sommes pas dans le domaine du savoir, mais de la foi, foi en soi, en l’homme, voire en Dieu. On pourrait emprunter au caricaturiste australien Leunig l’image de l’arbre dont les racines sont à la mesure des branches : la vie intérieure doit grandir à l’égal de la vie extérieure. Quant aux feuilles, elles ont à nourrir les racines, celles-ci alimentant les feuilles.

 

La spiritualité, à ne pas confondre avec le surnaturel, dirait Éric-Emmanuel Schmitt, n’est plus le monopole des religions, elle est « sortie de la religion », pour prendre l’expression parfois mal comprise de Marcel Gauchet. Quand elle est religieuse, elle débouche sur la découverte d’un plus grand que soi, innommable : l’Infini de l’Amour, de la Vérité et de la Beauté. Les religions et les philosophies, l’homme de la rue aussi, donnent le nom de Dieu à cette transcendance « ultime », et « personnelle » dans certaines religions.

 

Les médias parlent souvent du retour de la spiritualité. Des stages sont organisés, des formations mises en place. Les publications abondent. En Belgique, tout récemment, on a introduit la méditation dans les écoles du réseau catholique. La spiritualité est quasiment devenue synonyme de « développement personnel ». Elle est convoquée au service de l’oxygénation de la vie privée.

 

Le mot spiritualité fut d’abord religieux, et même chrétien. Maintenant, le mot s’est élargi, englobant les spiritualités non religieuses que l’on pourrait qualifier d’humanistes. De plus, la spiritualité contemporaine est fortement marquée par le contact avec les spiritualités orientales. La dimension thérapeutique – les thérapies psychocorporelles – est aussi très présente.

Croyants et incroyants sont donc voués à cultiver cette dimension. La religion se situerait à l’horizontale, créant des liens, et la spiritualité à la verticale — soit intime, soit transcendante —, correspondant au besoin de sens. Si toutes les spiritualités ont en commun l’ouverture à soi et à autrui, l’ouverture au « plus intime que soi », les questions ultimes du sens, face à l’origine, au mal (que je subis et que je commets), à la mort, à la transcendance, font la différence entre elles.

Du côté des croyants religieux, on semble avoir compris aujourd’hui que, pour sauver la religion, il fallait la « spiritualiser », insister sur la dimension d’intériorité personnelle plutôt que sur les rites et autres pratiques. Il ne faudrait cependant pas que le spirituel devienne un refuge face à un monde jugé négativement. Ce ne serait plus un opium du peuple, mais bien des bourgeois en mal de sens.

Dans le roman Soufi, mon amour d’Elif Shafak, Aziz écrit à Ella que la spiritualité « n'est pas une chose qu'on peut ajouter à sa vie sans procéder à des changements majeurs ». Or, précisément, elle est de moins en moins mise en lien avec la transformation de l’existence et du monde. Au contraire, elle est reprise dans la dynamique consumériste de notre culture. N’assisterait-on pas aujourd’hui à une marchandisation du spirituel ?

 

Pour mettre de l'ordre dans le monde, nous devons d'abord mettre la nation en ordre. Pour mettre la nation en ordre, nous devons mettre la famille en ordre. Pour mettre la famille en ordre, nous devons cultiver notre vie personnelle. Et pour cultiver notre vie personnelle, nous devons clarifier nos cœurs.

 

Abdennour Bidar